par Paf

Trop vite

novembre 15, 2013 dans ma vie par Paf

sorcier

Il est très beau, ton texte, Marie. Lis-le d'abord, sinon tu ne vas pas comprendre de quoi je parle. Il m'a mis grave les boules. Parce que le mien est en grande section, parce que ça se passe bien, parce qu'il aime jouer, tout le temps, parce que rien n'est plus urgent que d'attraper le jouet que son regard vient de croiser. Et ce que tu racontes sur la marelle, qu'il s'est appropriée sans toi, j'y pensais hier soir en regardant la nouvelle star, en voyant la maman de cette gamine de dix-sept ans s'émerveiller, dire qu'elle ne savait pas comment elle faisait pour chanter Joan Jett comme ça, qu'elle découvrait encore au bout de seize ans des facettes de la personnalité de sa fille. Cette maman a failli me faire chialer et toi tu as réussi ce matin.

Alors ces deux trucs, le changement de monde du CP, et le fait de lâcher que tu ne peux pas être à l'origine de tout pour ton enfant, qui est la source de grandes craintes et de formidables espoirs, ça m'a retourné. Profite à fond, Minus, des bacs à jouets de ta classe, de jouer allongé par terre, du petit toboggan encore à ta taille.

par Paf

Un peu de moi

novembre 13, 2013 dans ma vie par Paf

lego-technics

C'est fou comme on est capable de faire des enfants différents, pourtant élevés dans la même famille, à la même époque, en gros dans le même contexte. Les miens ont des mères différentes et sept ans d'écart, alors forcément la disparité de caractère est plus plausible. Mais tous les frères et soeurs que je côtoie, même nés avec peu d'écart n'échappent pas à la règle. Cette capacité de l'humain à faire du semblable si dissemblable m'émerveille. Observer mes enfants m'a souvent interrogé sur la part d'inné et d'acquis en chacun de nous. Le minus est complètement dans l'imaginaire, dans son monde à lui (on nous a assez longtemps fait chier avec ça), il se fout royalement de ce que son entourage peut en penser. Préado au même âge était déjà beaucoup plus rationnel, se conformait à ce qu'on attendait de lui et attachait de l'importance au regard d'autrui. Ils ont aussi de gros points communs, comme un goût prononcé pour les mathématiques, mais avec des approches très différentes. Quand j'imagine comment ça se passe dans leur tête, je vois pour préado des nombres bien alignés, écrits de la même couleur, alors que pour le minus, j'imagine des chiffres qui se baladent dans tous les sens, avec des couleurs et des textures différentes, et qui remuent comme les petites particules dans une boule à neige. Après, je me demande si ce n'est pas la vision que j'en ai qui contribue à forger leurs caractères. Préado chante faux et n'a jamais aimé ça. Minus chante et fredonne juste dès qu'il n'est pas en train de parler ou de dormir.

Je me suis souvent demandé comment pourrait être l'enfant suivant. Bon, je ne me pose plus cette question parce que nous sommes plus en âge d'affronter un nouveau-né. N'essaye pas de me convaincre du contraire, j'ai quarante-quatre balais et de toute façon je t'emmerde je ne conçois pas d'avoir soixante-cinq ans quand mon enfant en aurait vingt. Je sais qu'on vit plus vieux, tout ça, mais faut pas pousser.

Pour revenir aux différences entre mes mioches, l'autre certitude c'est que leur dénominateur commun (moi) a considérablement changé pendant les sept années qui les séparent. Pas la peine de ricaner sur la blancheur de mes tempes et barbe ou sur mes rides, je fais partie de ceux qui acceptent du temps l'irréparable outrage, voire qui trouvent que leur apparence est plus à leur goût que lors de la décennie précédente. Non je parle de mon comportement de parent. Je regrette parfois de ne pas m'être posé davantage de questions quand préado était petit, je me suis laissé porter, j'ai fait à l'instinct, parfois pas très bien. C'est sûrement le lot de beaucoup d'aînés, d'essuyer les plâtres. Avec les suivants, on est moins inquiet, et on ne commet pas de nouveau les mêmes erreurs (à moins d'être con).

Le minus a la chance d'avoir un père over concerné, et qui se remet souvent en question. Et qui déchire en Lego Technics !

par Paf

LOL me dérange. PTDR aussi.

novembre 8, 2013 dans ma vie par Paf

LOL

Préado, je suis emmerdé. Je trouve que tu es addict à League Of Legend. Et ça me dérange (note pour les non-initiés: League Of Legend, LOL pour les intimes, est un jeu de combat en arène dérivé de Warcraft III où dix joueurs s'affrontent en deux équipes de cinq). Je comprends l'addiction que l'on peut avoir pour un jeu vidéo. Je l'ai éprouvée. De nombreuses fois. Donc je sais quel plaisir ce peut être, de s'enfoncer dans un jeu, d'en explorer tous les aspects, de le finir absolument, toutes les quêtes, le moindre rubis dans le moindre brin d'herbe. J'ai arpenté des jeux en longeant tous les murs à la recherche de passages secrets, j'ai refait des niveaux des centaines de fois. Et pourtant celui-là me dérange. Est-ce simplement parce que j'ai vieilli ? Il est vrai que ce plaisir chez moi s'est émoussé. Je n'ai même pas encore commencé GTA 5. J'ai toujours mieux à faire. Mais non, c'est pas ça.

Même le minus affiche déjà un goût pour certains jeux vidéo. En ce moment, il est dingue de Mario, de Flora Piranha, de Yoshi parce que je lui ai montré Mario Sunshine et Mario Galaxy. Bon, et un peu New Super Mario sur DS aussi. Faut dire que le minus, quand il aime quelque chose, il l'aime intensément. En ce moment, il adore aussi "la sorcière dans les airs" (dernier jour pour le voir sur Pluzz) et pourrait le regarder plusieurs fois par jour si on le laissait faire.

En y réfléchissant, c'est la nature de ce jeu qui me déplaît. Pas le fait qu'on s'y écharpe généreusement (ça ne saigne pas, c'est pour 12 ans et plus), le fait que ces affrontements online impliquent de ne pas pouvoir s’interrompre en cours de partie sous peine d'être sanctionné. Ils ont même un acronyme pour ça : AFK away from Keyboard (loin du clavier). Ça implique d'accepter que ce jeu est plus important que ce qui se passe autour de toi. Je n'aime pas non plus le principe de "reporter" les joueurs que l'on trouve incorrects, c'est un principe de délation. Et je n'en peux plus de tes vidéos de parodies et de pentakill (note pour les non initiés : quand tu tues à toi tout seul les cinq adversaires. On tue et on meurt beaucoup dans LOL mais ça fait pas mal).
Donc je suis emmerdé parce que je ne sais pas si je dois t'interdire d'y jouer, te restreindre fortement ou pas. À ce jeu-là, hein, pas à tous les jeux. J'ai toujours considéré que puisque tu remplis ta part du contrat en ramenant des notes plus que satisfaisantes, il était normal que tu disposes de ton temps libre à ta guise (merde, j'ai une vision de Jean Rochefort qui nous fait son sketch de l'Alzheimer). Et puis c'est pas comme si tu lisais pas des bouquins, tes science & vie junior, I love English et tout le reste. Pis tu fais du sport, pis tu me bats aux échecs. Bon, comme tout ado en devenir, faut te pousser un peu dehors pour que tu voies la lumière du soleil, mais c'est pas grave. Il pleut tout le temps en ce moment. Je vais encore y réfléchir un peu.

Tiens, ça fait longtemps que je ne t'ai pas mis un morceau.

par Paf

Alimentaire mon cher Watson

novembre 4, 2013 dans ma vie par Paf

dospalillos

La semaine dernière, MQB et moi nous sommes sauvés sans enfants pour une nuit à Barcelone (merci les beaux-parents). Comme à l'accoutumée, MQB nous a cherché un chouette restau pour le soir et a dégoté du pas ordinaire : un restaurant qui marie la cuisine japonaise et les produits catalans, la fusion du tapas et du bento. Une étoile au Michelin, ça cautionne la soirée de qualité. J'ai donc validé la proposition comme un con au lieu de militer pour des tapas réglementaires. Faut dire, que le midi, nous nous étions éclaté les papilles dans un petit restau qui mérite son nom : Suculent sur le Rembla Raval. Pour un prix très modique en plus, vraiment une bonne adresse.
Donc le soir venu, à une heure parfaite pour dîner à Barcelone quand les Allemands ont déjà roté leur crème catalane, nous arrivâmes devant Dos Palillos. Le décor est sympa, tu rentres dans un bar à la déco kitsch. Nous nous y sommes posés pour boire un verre en attendant que la table soit prête. Puis, tu accèdes à la salle du fond où les tables, et ben ne sont pas des tables, en fait, les places sont disposées sur un bar qui entoure la cuisine. Ça tombe bien, on aime bien manger au bar. Et comme ça, tu peux contempler la dizaine de cuisiniers qui officient sous tes yeux. Il y a même des miroirs inclinés au-dessus des cuisiniers pour mieux voir ce qu'ils font. Il y a deux menus au choix : un normal et un balaise. Nous ne sommes pas de gros mangeurs, donc nous optons pour le menu normal. L'avantage du menu unique, c'est que tu ne te casses pas la tronche à choisir. L'inconvénient, c'est que le chef peut vouloir te faire emprunter des chemins auxquels tu n'es pas habitué. En l'occurrence, fallait pas oublier ses geta (les chaussures, pas le couple de la night sponsorisé par des gros casques). Je savais qu'on allait manger de l'inspiré japonais, mais je n'avais pas mesuré à quel point.

Ça a bien commencé avec des choses essentiellement crues, mais savoureuses, agrémentées de condiments inusités dans nos contrées, de fleurs et de feuilles inconnues et présentées dans des objets de vaisselle sublimes, tellement beaux qu'on ne peut pas appeler ça des assiettes. Je t'ai mis un échantillon en début d'article de la douzaine de plats qui se sont succédé.

C'est à l'arrivée du quatrième bol récipient caillou plat que ça s'est gâté. Je précise que même si le poisson cru ne nous fait pas peur à l'occasion sans être notre plat de prédilection, MQB et moi partageons en revanche un amour assez modéré pour les fruits de mer en général, les gluants à forme bizarre en particulier. C'est là que nous avons commencé un fou rire mémorable, quand ceci a été posé devant nous :

dospalillos2

Tu rigoles, mais t'aurais pas fait le fier non plus. Après avoir exclu les hypothèses farfelues : c'est pas un rince-doigts, y'a trop de trucs dans le bol, c'est pas une tradition ibérico-japonaise qui consiste à montrer fièrement à ses invités ce qu'on a raclé au fond de l'aquarium et ce n'est malheureusement pas une décoration de table, nous avons du nous rendre à l'évidence : nos hôtes s'attendaient à ce que nous consommions le contenu de cette caillasse : des fruits de mer crus (tout bizarres, en plus, tu vois le bout rouge qui dépasse, c'en est un. Y'en avait un autre avec des yeux qui dépassaient comme un escargot !), des algues, pas de sauce, rien.

Ce qui était rigolo aussi, c'est qu'à ma droite, un autre couple découvrait les mêmes choses au même moment que nous et que malgré la barrière des langues (je ne parle pas un mot d'espagnol), nous échangions des regards complices, tantôt surpris, tantôt circonspects.

Depuis le début du repas, MQB me laissait à chaque plat un quart, voire un tiers de son assiette vu son appétit plus modeste que le mien, craignant de ne pas venir à bout du menu. Parce qu'il faut savoir que MQB souffre d'une phobie assez peu courante : elle ne peut rendre une assiette non vidée. Mais là j'ai été intransigeant, j'ai fini tout mon bol, ses fruits de mer, mais pas ses saloperies d'algues à elle. C'était too much.

Après ce bol-là, ça a été une rigolade de se finir au poulpe cru, au foie de lotte et au mini burger maison à la cuisson inexistante. Je ne suis même pas sûr que c'était de la viande au milieu.
Tout ça pour dire que nous ne regrettons pas cette soirée, qui au final sera des plus mémorables, mais je préférais te prévenir au cas où tu passerais dans le coin : s'il y a anguille sous roche, il y a anguille crue sous roche.