Un vendredi soir sur la terre
novembre 16, 2015 dans ma vie par Paf
J’habite à 600 mètres de la belle équipe, le restaurant visé rue de Charonne. Coïncidence, vendredi, un peu avant 19h, je suis allé avec mon meilleur ami au Cambodge, restau célèbre pour ses bò bún, que nous voulions prendre à emporter. Comme ce n’était pas encore ouvert, MQB m’a suggéré de prendre un pot dans le coin et d’y retourner pour lui ramener le bò bún spécial (avec nems). Avec mon pote, nous avons remonté la rue Marie et Louise à la recherche d’un bar. Tous les restaurants du quartier étaient vides, le personnel en train de se préparer à l’arrivée des clients, dressant les tables, remplissant les carafes. J’ai montré le Carillon à mon pote mais il m’a dit que c’était encore trop hype, il avait envie d’un bistrot de base. Dans le petit Cambodge en face, ouvert lui en continu (mais le bò bún est à mon avis un poil en dessous de celui de la maison d’origine), il y avait encore peu de monde. Nous avons finalement opté pour le Kelton, un bar PMU trente mètres plus loin rue Bichat. Nous y avons pris une bière en discutant une demi-heure. Puis nous avons fait le chemin inverse, et pris nos plats à emporter. Ensuite retour en vélib à la maison, nous nous sommes régalés de nos bò bún nems en buvant des bières. Nous venions de finir notre repas quand une amie nous a appelés pour savoir si nous allions bien et la terre s’est écroulée.
Le ballet des sirènes a commencé pour ne plus s’arrêter, nous rappelant le sinistre soir du sept janvier. Heureusement le minus dormait et il a un sommeil de plomb.Mon aîné était chez sa mère, je me suis assuré qu’il était à l’abri. Nous nous sommes collés sur nos écrans respectifs, abasourdis à chaque nouvelle (j’ai d’ailleurs halluciné que les principales chaînes de TV n’aient pas interrompu leurs programmes pour alerter les gens). Nous apprenons qu’il y a également une fusillade rue de Charonne sans pouvoir savoir à quelle hauteur de la rue ça a lieu (comme elle fait 1,3km, l’info avait son importance pour nous). Mon pote habitant à moins de deux cents mètres de cette rue, pas question pour lui de rentrer tout de suite. Un peu plus tard, l’info tombe, c’est au 92. Ça ne pouvait pas être plus près. Nous continuons à attendre en voyant le tableau horrible s’agrandir de minute en minute. Mon ami est finalement parti à deux heures et demie. Il nous a dit que malgré les consignes de rester chez soi, les rues étaient pleines de gens qui rentraient chez eux à pied ou en vélib vu que tous les métros du coin avaient été fermés.
Comment peut-on croire qu’un Dieu, quel qu’Il soit, puisse vouloir qu’on tue lâchement des gens ? Comment peut-on être à ce point peu éduqué et influençable pour avaler de telles balivernes et sacrifier sa propre vie ? Comment peut-on se réjouir de la mort d’humains au nom d’un être supérieur censé être bon, aimant sa création ? Tout cela est au-delà de mon entendement.
Bien sûr, nous l’avons expliqué au minus ce qui s’est passé. Nous lui avons fait lire le document réalisé par Astrapi. Il nous a dit que les terroristes, ce sont des gens qui croient en le Dieu de la guerre, nous avons un peu précisé les choses.
Nous avons appris que quelques personnes du quartier faisaient partie des victimes. La proximité immédiate de ces crimes les rend encore plus insupportables. Mais contrairement à janvier, nous n’avons pas envie de quitter Paris en raison de ces évènements. Les rues de cette partie de Paris ce dimanche étaient bondées. Je crois que nombreux sont les Parisiens qui au contraire ont revendiqué leur liberté de boire des verres en terrasse, d’être libres de leurs loisirs, de leurs joies, de leurs amours.
Je termine en disant à quel point les témoignages de soutien de par le monde m’ont fait du bien à l’âme, lors d’événements sportifs, de concerts, sur des édifices publics, nous nous sommes sentis soutenus.
Jamais la Marseillaise, chant guerrier de merde par excellence, ne m'avait procuré une émotion.
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Le témoignage d’un rescapé du Bataclan m’a bouleversé. Mes pensées accompagnent tous les proches des victimes. Je me répète, mais je voudrais le silence, enfin, et puis le vent.