Quand je dis à un homme que je suis féministe
juin 14, 2013 dans ma vie
Hier soir, lors d’une discussion avec des copains virtuels, j’ai annoncé sentencieusement que je suis féministe. En ayant choisi d’être père au foyer, il est pour moi évident que je le suis. Pour me faire bien comprendre, je crois bon de rappeler ce qu’est le féminisme et ce qu’il n’est pas. Car c’est dans sa définition précise que je me reconnais, pas dans l’imagerie outrancière fantasmée par certains. Je suis féministe, car j’aspire à ce que les femmes et les hommes soient égaux en droit et en devoirs. On est loin des furies poilues sous les bras qui souhaitent émasculer tout ce qui porte couilles. Ça, c’est une des images péjoratives véhiculées dans l’imaginaire collectif (masculin ?).
Comme tu vois, en cela, le féminisme diffère de nombreux trucs en isme qui riment avec extrémisme et qui me révulsent. Souhaiter l’égalité, quoi de plus juste ? Si l’on considère que le féminisme est une aspiration à l’égalité, s’y opposer revient à réfuter cette égalité ou à la reconnaître et néanmoins préférer la supériorité masculine en vigueur. La science a démontré l’inexactitude de tous les préjugés selon lesquels les femmes seraient inférieures aux hommes. Donc il reste le “ben c’est comme ça et y’a pas de raisons que ça change”. Comme pour le mariage pour tous, j’ai un peu de mal avec le “c’est comme ça”.
Dans un autre billet, je t’ai raconté comment mes parents sont rentrés au Crédit Lyonnais à l’âge de seize ans, se sont mariés, et ont fait leurs carrières dans cette entreprise. Ma mère avait obtenu son BEPC, brevet élémentaire du premier cycle qui à l’époque avait de la valeur, alors que mon père n’avait pas obtenu son CAP comptable. Malgré cela, au fil des ans, mon père a gravi les échelons plus rapidement que ma mère. Et vingt ans plus tard, quand mon père obtenait une mutation, le Lyonnais s’efforçait de trouver un poste à ma mère dans la même ville, mais pas forcément idéal par rapport à sa propre évolution professionnelle, et nécessitant une plus grande adaptabilité. Je ne crois pas que mon père soit plus intelligent que ma mère. Ni moins non plus. Juste, il était normal que madame suive monsieur. Et encore quelques années plus tard, il est devenu socialement dérangeant que l’épouse du cadre supérieur que mon père était devenu ne soit pas “au foyer” comme celles de ses collègues. Ma mère a fini par consentir un départ amiable qui fait qu’aujourd’hui, sa retraite est considérablement inférieure à celle de mon père. Ils sont toujours ensemble, mais si ce n’avait pas été le cas ?
Je ne peux pas m’empêcher de trouver ça injuste. Aussi injuste que quand je pense au nombre de collègues masculin de MQB, qui gagnaient plus qu’elle à ancienneté équivalente, et n’avaient pas tout à fait la même productivité qu’elle. J’aime les euphémismes.
Je comprends que les féministes deviennent épidermiques quand on les considère comme “des femelles en lutte”. Lis ça, c’est chouette.
Et quand je regardais les petits sacs à dos roses à base de princesse, de Dora ou de Hello Kitty des demoiselles que j’accompagnais à la ferme hier, je me suis dit que ce n’était pas encore gagné l’égalité, et je trouve que le lavage de cerveau commence bien tôt. À l’école. À la télé. Le premier truc à faire, à mon avis, c’est de laisser jouer les petites filles qui en ont envie avec autre chose qu’une poupée sans les taxer de garçons manqués. Ou d’arrêter de penser que mon fils risque d’être pédé parce qu’il a eu des poupées et des dînettes. Des millénaires de patriarcat. Je suis féministe et y’a du boulot.
P.S : Hé Daria, t’es ni trop ni trop peu, change rien.