L’autre boulange : la mieux

novembre 21, 2014 dans ma vie par Paf

Imagine que tout ce qui fonctionne à l’électricité sur cette planète s’arrête. Pouf. Plus rien. Ce serait la merde. Tu ne mesures peut-être pas à quel point, mais moi j’y ai réfléchi parce que c’est un sujet de SF (une dystopie) qui me fait triper. Un EMP. Electro Magnetic Pulse.

Plus d’ordinateur, ça veut dire plus de paf le P.A.F ! Et aussi incroyable que cela puisse paraître, tu t’en foutrais grave. Parce qu’il y aurait un peu plus préoccupant : plus d’argent, plus de dettes souveraines (youpi !), plus de riches ni de pauvres, plus de Kim Kardashian avec une bouteille de champagne dans sur le cul ou de Nabilla avec un schlass, plus d’impôt, plus de salaires, donc plus de travail. Plus d’avions, plus aucun transport (démarreur électrique des moteurs à essence). Quand tu sais que la plupart des grandes villes ont une autonomie alimentaire ridicule, ça veut dire famine, pillages, émeutes, exode massif à la campagne, ultime mère nourricière. Manger à sa faim deviendrait un luxe. Ceux capables de faire quelque chose de leurs mains s’en sortiraient le mieux.

Excuse-moi cette intro catastrophe, mais en fait je voulais te dire que j’ai de l’admiration pour les boulangers. J'en ai également pour tous les gens qui savent faire des choses comme fabriquer du fromage, faire pousser des légumes mais c'est pas le sujet du jour, je te ferai suer avec mes délires survivalistes un autre jour.

boulange

Il y a en bas de la rue de Montreuil (au 43) une boulangerie que je vante déjà dans ma page consacrée à ce qui me plaît dans le quartier de Faidherbe : l'autre boulange. Denis, le patron a eu la bonne idée de faire une journée “portes ouvertes” sur laquelle je suis tombé par hasard. J’allais pas rater une occasion d’apprendre des choses, et de t’en faire profiter. Cette boulangerie fabrique des pains “à l’ancienne”. J’entends par là qu’à part la machine à pétrir, toutes les opérations sont faites à main d’homme. Le boulanger fait son levain, en en gardant une petite part chaque jour (qui s’appelle le chef) pour le pain du lendemain (explication ici).

La seconde particularité de cette boulangerie est d’avoir un des derniers fours à pain à bois de Paris. Sans connaître précisément son âge, ce four est plus que centenaire. Lors de mes recherches à ce sujet, je suis tombé sur le site de Daniel Raux qui a bâti son propre four à pain. Impressionnant. Mais dans Paris, il n’est plus permis de fabriquer un tel four, donc celui de l’autre boulange est une espèce en voie de disparition. Voici à quoi cela ressemble.

four1

la façade du four a été refaite en 97. La porte en bas, c'est là que tu fais brûler le bois.

four2

l'intérieur

J’ai pu discuter avec le patron. C’est son père (l’irréductible gaulois sur la photo) qui a commencé à travailler dans cette boulangerie en 1957 puis en est devenu propriétaire. C’est aussi lui qui confectionne les jolis pains sur les photos. Cet hyperactif de soixante-dix balais occupe sa retraite en formant bénévolement des jeunes de sa région d’adoption à son art. À sa retraite, son fils Denis (qui avait choisi de travailler dans le monde du livre) a finalement repris le flambeau. Dans les années 90, insatisfait de la qualité variable des farines qu’on lui proposait, il opte pour de la farine bio dont il apprécie la constance de la qualité. Progressivement, il est passé au bio pour presque toute sa production. Il est l’un des rares boulangers de Paris à proposer du pain à la farine de lin, de sarrasin, de quinoa, d’épeautre, de kamut ou de riz. Depuis un an, il distribue aussi ses produits par l’intermédiaire de quelques ruches qui disent oui  dont j’ai déjà parlé. Et pour les gourmands, je précise que la pâtisserie n'est pas en reste, avec un titre de "meilleur flan de Paris" (donné par le Figaro mais quand même).

J’apprécie ce monsieur, son souci de qualité, de santé, sa curiosité et sa capacité à se remettre en question. C’est dit. Pour les parisiens amateurs de pain, il existe un blog consacré au sujet (et qui a bien sûr fait un billet sur Denis) : le painrisien.