Pots de crayons – boutique de la Tate Modern à Londres.

juillet 30, 2013 dans ma vie

Tu me fais rire, minus. Aujourd’hui, je vais te raconter un truc pour que tu le saches quand tu seras grand. Ça te fera rigoler aussi, probablement.
À l’instant, tu viens de m’appeler dans les toilettes en m’informant que tu as eu un petit accident. Tu es petit, mais tu maîtrises déjà l’euphémisme. Je ne sais pas exactement comment tu t’y es pris, mais il y a du pipi par terre à droite des toilettes, sur le slip qui est par terre devant les toilettes et, et c’est là qu’il y a performance, sur le mur de gauche des toilettes, à trente centimètres du sol. Dans ce genre de situation, je commence à savoir qu’il est inutile complexe d’essayer de te faire relater précisément les événements. Au mieux, j’obtiendrai une description sommaire arrachée par une douzaine de questions fermées, le tout totalement dépourvu d’affect, comme si ton corps ne t’appartenait pas au moment du délit et que tu narrais ça en pur observateur. J’ignore si tu conserveras ce détachement en grandissant. C’est sûrement le fruit de l’éducation que nous te donnons. Comme je n’arrive plus à considérer comme grave quelque chose qui ne te met pas en danger, rien n’est grave. Ça évoluera si tes futures conneries s’avéraient coûteuses, mais jusqu’à présent, ça n’a jamais été le cas.

Tu m’as donc dit que ce n’était pas grave et tu as raison. Quand j’ai objecté que néanmoins j’apprécierais a minima que tu sois désolé, tu as accédé à ma demande et répondu d’une voix parfaitement calme et sans aucun trémolo que tu étais désolé.

Je me fais parfois l’impression d’être chargé d’expliquer à un petit martien des règles de vie en société terrienne dont moi-même j’ai du mal à saisir les subtilités. J’avais les mêmes problèmes dans ma vie professionnelle, quand je travaillais de mon mieux, mais sans chercher à le montrer, sans absorber le stress de ma hiérarchie qui coulait sur moi comme de l’huile sur une poêle antiadhésive. Certains de mes supérieurs étaient convaincus que je bossais peu ou mal parce que je ne montrais pas de signes compréhensibles par eux d’effort. Quand tu seras plus grand, il faudra que je t’apprenne à jouer la comédie des humains, histoire que tu ne sois pas totalement inapte aux relations professionnelles. Et je vais tenter de ne pas te transmettre mon aversion pour le travail. Hier, tu m’as ému sans le savoir parce qu’en jouant au docteur, tu m’as vouvoyé, comme pour reproduire la distance avec un patient. J’ai trouvé cela d’autant plus surprenant que ta pédiatre (la géniale Florence) te tutoie depuis toujours. Tu as dû entendre d’autres enfants jouer au docteur comme ça.

Je crois que je vais arrêter les GIF définitivement, si t’es pas content, fais une pétition. J’ai davantage envie de mettre mes photos comme aujourd’hui, et au cas où tu ne serais pas au courant, sur ce blog, je ne fais que ce dont j’ai envie. Bisou.