Billet nocturne, je vous préviens, on va moins rigoler que d’habitude. Tout à l’heure, en donnant le bain de mon quatre ans (va falloir que je lui trouve un pseudo, vu que j’en parle souvent), en le regardant tout nu, si menu, j’ai été pris d’une bouffée d’angoisse quant à son futur. Son bonheur, auquel j’aspire bien sûr, par quelles voies matérielles il pourra passer, mon envie qu’il soit une belle personne, mes craintes qu’il le soit et en pâtisse parce que l’humanité, je la trouve pas reluisante dans sa globalité.
Après, je me raisonne, qu’il a déjà la chance d’être qui il est, un p’tit gars bien aimé bien nourri bien logé, dans un pays qui va aussi mal que les autres, mais où en attendant que ça finisse de péter la vie est encore très convenable si on fait la moyenne de la planète.
Après, mon goût pour la SF reprend le dessus, je vois un historien du 52e siècle expliquer à ses élèves que le 20e siècle est une des périodes les plus paradoxales de notre histoire, les hommes conscients de la fin du système, mais incapables de faire évoluer la société vers ce qu’elle est devenue longtemps après, ce qui a sauvé in extremis la planète, grâce au progrès scientifique qui a permis de s’affranchir sans polluer des énergies fossiles notamment. J’arrête là, mais j’ai déjà le premier chapitre dans la tête.
Cette perspective, celle de l’historien qui raconte la civilisation à une bande d’ados aussi débiles que ceux d’aujourd’hui et ceux d’hier, me rend infinitésimal, et me rassure, au final. Tu ne peux pas merder grand-chose quand t’es une poussière dans l’espace et le temps. Mais pour revenir au destin de mon quatre ans, je suis tiraillé entre l’envie qu’il soit PDG, politicien ou lobbyist, enfin un métier d’avenir et lucratif, qui lui assure un confort matériel, et l’instant d’après, je me dis “non, mais t’es complètement con, s’il fait un de ces jobs, je le déshérite !” Et là, je me fais penser à Victor Lanoux dans “Les démons de Jésus” (que je ne saurais trop vous recommander, extrait là ), en vieux gaucho anarcho de merde.
Bon, j’espère qu’il sera heureux, c’est un peu le principal. En ce moment, c’est le début des “quand je serai grand, je serai”. Pour le moment c’est encore assez confus. L’autre jour, son métier du futur, c’était d’inviter des gens, ce à quoi MQB (mère qui bosse) lui a rétorqué que c’était pas vraiment un métier, j’ai dit ben si, Drucker y fait ça, mais c’est pas forcément facile à obtenir comme métier. Si ça se trouve, un jour, il animera un talk-show et on aura l’air bien cons, avec nos “c’est pas un métier”. Assez étrange ce genre de discussion (que j’ai aussi bien sûr avec mon onze ans) sur l’avenir professionnel, alors que moi je ne me vois plus d’avenir professionnel. J’ai bossé pendant 21 ans, toujours dans la même boîte. J’ai fait comme mon père, j’ai gravi. Je ne sais pas bien ce que j’ai gravi, mais ma paye a toujours augmenté davantage que l’inflation. Et là, depuis que je ne travaille plus, depuis plus de six mois, je me sens tellement bien, que je n’arrive pas à envisager d’y retourner.
Et la bonne nouvelle, c’est que c’est pas à l’ordre du jour.
Pour le moment avec ce blog, je lance un peu des trucs en vrac, j’essaye surtout de faire sourire, je suis un peu le mec qui émet en FM sans savoir s’il y a quelqu’un qui l’écoute. J’ai fait ça y’a longtemps, à Dijon avec un pote, sur une radio associative la nuit. Long story. On passait du Cocteau Twins, du Christian Death, du Tuxedomoon, des Residents. C’était gai. Merci Hervé de m’avoir fait découvrir tellement de musique. Un de ces jours, je vous raconterai mon éveil social, grâce aux Bérus, c’est à peu près la même époque. Je suis bien content de voir que la jeunesse les écoute toujours. J’ai même vu à la Fnuck les rééditions de tous les vinyles que j’ai, la mort au choix, nada… Comment un jeune pourrait-il résister à concerto pour détraqués ? C’est un appel à l’insoumission. Ces mecs m’ont raconté la précarité, les prisons, les asiles, la clandestinité. On m’avait pas raconté ça avant, chez moi.
Allez, vous me direz si je continue à digresser. Bonne nuit.